Du classique au contemporain
J’ai commencé le ballet à l’âge de quatre ans. Je rêvais de tutus, de pointes et de grands rôles dans le Casse-Noisette et Le lac des cygnes. L’an dernier, à l’aube de mes 17 ans, j’ai décidé de changer de direction. Fini les chignons et les justaucorps moulants, j’arrivais dans le monde de la danse contemporaine, un univers dans lequel j’avais peu de familiarité, mais qui allait m’apporter énormément de nouvelles connaissances et de nouveaux défis. Transition physique J’étais dans un programme professionnel de danse classique durant mon secondaire. Je m’entraînais en moyenne 25 h par semaine. Cependant, à mon arrivée à l’EDCM, j’ai vite réalisé que les demandes physiques du ballet et du contemporain ne sont pas tout à fait les mêmes. La ballerine doit travailler principalement au vertical en pensant à son esthétique et aux lignes corporelles qu’elle crée. Les extensions des jambes, la courbure des pieds, la tenue des bras, la longueur du coup. Elle doit être forte et flexible tout en étant esthétiquement très raffinée. Une base technique qui m’a aidée et m’aide énormément et qui a formée la danseuse que je suis. Mais je savais qu’il y aurait d’importants changements corporels. Je devais apprivoiser le sol, renforcer mes muscles afin qu’ils deviennent prêts à supporter mon poids différemment. Je devais mettre de côté mes mouvements maniérés du ballet en essayant d’oublier de quoi j’avais l’air et en dansant pour moi-même. Je pensais bien me débrouiller dans le cours de ballet pour danseurs contemporains, mais je me trompais. C’était bel et bien pour « danseurs contemporains »… Il fallait que je me transforme en changeant ou poussant à l’extrême des concepts du vocabulaire classique. Aussi, en apprenant, dans un sens, une nouvelle façon de danser, je voyais que certaines corrections que mes professeurs de ballet me disaient pouvaient resurgir dans la classe de technique en contemporain. Comme si mon corps avait trop d’attention à mettre sur ses nouveaux apprentissages et qu’il oubliait certaines notions qu’il avait déjà corrigées dans le passé. J’ai réalisé que mon corps devait être hybride : prendre de mes connaissances techniques acquises et les transposer dans mon nouveau monde, tout en étant capable de les modifier au bénéfice de la danse contemporaine. Transition mentale Je m’étais préparée mentalement à changer d’univers. Peut-être avais-je quelques stéréotypes dans ma tête… en passant du monde plus hautain du classique à l’ambiance plus bohème du contemporain. Mais je me trompais. Je me suis vite rendu compte que les danses, peu importe leur style, se ressemblent. La passion, l’amour pour cet art, a un côté rassembleur qui m’a permis de prendre mes aises rapidement. Il est certain, j’ai eu quelques chocs. L’un d’entre eux étant la diminution de l’importance du miroir. Quand je suis arrivée, les miroirs du studio étaient cachés par des rideaux, à l’exception d’un petit espace au travers duquel je pouvais apercevoir mon corps. À chaque fois que j’avais l’opportunité de me regarder, je le faisais. Avec le temps, j’ai appris à oublier le miroir, cet ami et ennemi présent à mes cours de danse depuis mon enfance. Certes, nous nous en servons tout de même en contemporain, mais beaucoup moins qu’en ballet. De plus, je devais m’adapter à une recherche très profonde et différente de mon corps. Je devais et dois encore me définir en tant que personne et en tant qu’artiste. En classique, on rentre souvent dans un moule avec des standards corporels très exigeants, mais en contemporain, il y a une plus grande ouverture au « lâcher prise » et à la découverte de soi-même. Les deux mentalités sont très pertinentes, mais, pour ma part, je devais laisser celle du ballet de côté. Une tâche qui me demandait et me demande aujourd’hui encore beaucoup d’efforts. « N’essaie pas de plaire ou d’être parfaite » me disaient certains professeurs de l’EDCM. Je dois me laisser aller, me laisser « vivre ma propre danse ». Ce concept d’humilité et de vulnérabilité me plaît beaucoup en contemporain. On a la chance de danser ce que l’on ressent. C’est un processus qui ne pourrait se faire sans la présence de mes professeurs dévoués et de mes chers camarades. Je tiens sincèrement à les remercier. – Meggie Cloutier-Hamel, étudiante de première année |