Un pas en soi, un pas dehors
![]() Bien qu’il ne s’agisse pas du tout d’un contexte thérapeutique, le cours amène à se rencontrer soi-même, dans toute notre intimité. Auprès de Linda Rabin, j’ai appris la disponibilité intérieure ou comment être présent et à l’écoute en rejoignant l’essentiel en soi. Il s’agit d’un processus touchant de plonger en soi et j’y ai rencontré autant de blocages que de libertés. Dans ces moments, ma cohorte se soutenait particulièrement, avec beaucoup d’amour. Cela a éveillé de grands moments de vulnérabilités entre nous. Souvent, les émotions se montraient vives chez plusieurs, autant vers le rire que les larmes. Heureusement, nous naviguions les mêmes expériences. Pendant que nous développions tous une relation à notre profondeur, nous partagions ses instants aux mille possibilités à travers le mouvement, la voix, le dessin et l’écriture. Cela permettait de faire des parallèles intéressants entre notre processus personnel et l’évolution du groupe. En première année, les ateliers mélangeaient plusieurs approches reliées à la somatique, l’improvisation, la respiration et la créativité. Notamment, il y avait de l’analyse du mouvement, des exercices de voix, des manipulations du corps et des exercices de respiration. Le but de tous ces ateliers est d’éveiller notre conscience et nos sensations à ce que l’on vit. Une séance comportait souvent des discussions, des ateliers thématiques, une relaxation appelée empty out et une longue exploration à la fin. À travers ces moments d’improvisation, nous pouvions bouger, écrire et dessiner. Il y avait aussi des séances complètes qui abordaient un thème particulier, comme un système du corps, la respiration, la vue, le toucher, les cycles ou l’essence des choses. Je me rappelle qu’à plusieurs moments nous étions invités à éveiller nos sens pour tenter d’intérioriser nos perceptions du monde extérieur. On pouvait ensuite les ré-exprimer avec notre mouvement personnel. Alors que je recevais énormément d’informations pour accélérer mon développement d’interprète durant la formation, ce moment sans pression me permettait d’absorber les apprentissages. Les concepts se transposaient en moi dans un espace de liberté, de créativité et de lâcher-prise. Je pouvais laisser fondre le travail et toutes les idées ajoutées durant la semaine afin de poser un nouveau regard sur la pratique de la danse. Cela révélait des aspects du métier, comme l’imaginaire, que je n’avais pas toujours le temps de goûter dans les classes techniques. En troisième année, les séances se concentraient plutôt sur le travail de partenaire, l’improvisation et la composition spontanée. Nous faisions des exercices à deux ou en groupe pour travailler les principes physiques et les qualités de la danse contact. Aussi, nous faisions des grandes improvisations structurées. Andrew proposait une structure et des procédés de composition à utiliser, mais nous étions libres dans les autres choix. Ce type de travail encourage à développer une grande autonomie et une écoute, car il est essentiel de proposer des idées claires physiquement et de garder un œil sur le portrait global. L’équilibre est fragile entre l’action et l’écoute. Heureusement, la boîte à outils de composition spontanée qu’Andrew partage est remplie d’idées. Au besoin, on sait qu’on peut utiliser certains principes comme l’accumulation, l’immobilité, etc. Cela facilite la prise de décision rapide en performance. Contrairement aux deux premiers cours où nous étions dans nos intimités, le troisième cours de recherche nous expose au monde. Il aborde plus la conscience du regard extérieur. Lors des exercices d’improvisation, qui varient d’une à quarante minutes, nous sommes souvent observés par nos collègues ou un public d’étudiants. Cela permet de se familiariser avec sa vulnérabilité devant l’autre. Enfin, les cours de recherche créative m’ont permis de réactiver la vie en moi. Dans les deux approches des enseignants, il y a une grande attention au moment présent, à l’écoute des sensations. La notion d’échange entre l’intérieur et l’extérieur est ce qui me marque le plus. J’ai appris à recevoir et à rayonner en lien avec les autres. Leur partage m’a permis de comprendre comment être avec moi et comment être avec le groupe avec humilité et courage. Baigner dans l’univers de ces artistes complexes et accomplis est définitivement un milieu d’apprentissage stimulant.
Photo : Maxime Côté | Interprètes: Philippe Dépelteau et Lauranne Heulot(à l'avant), Molly Siboulet-Ryan et Julianne Decerf (à l'arrière) |